EDUCATION

Quelles solutions contre le décrochage scolaire ?

HD-394---decroch-sipaEn 2016, pour la première fois, le nombre des décrocheurs scolaires est passé sous la barre des 100 000. Le dispositif « Reviens te former », sans être la recette miracle, n’est pas étranger à cette avancée indispensable car les jeunes sans diplôme se trouvent plus souvent au chômage de longue durée et occupent généralement des emplois précaires.

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De nouvelles mesures de prévention du décrochage scolaire sont entrées en vigueur en 2016. Par exemple, les jeunes en voie de décrochage ont la possibilité de faire une pause, dans le cadre d’un stage en entreprise ou d’un service civique, puis de reprendre leur scolarité. Les recalés au bac, au brevet de technicien ou au CAP, peuvent, eux, redoubler une fois dans leur établissement, et conserver les notes égales ou supérieures à 10. Autre nouveauté : les élèves de seconde professionnelle qui estiment s’être trompés d’orientation peuvent demander à changer de voie de formation jusqu’aux vacances de la Toussaint.

Les autres outils de prévention, déjà en vigueur, ont été renforcés. Ainsi, les enseignants bénéficient désormais d’une formation continue à ce sujet. Par ailleurs, le corps des psychologues de l’Education nationale a été créé. Les alliances éducatives, dans lesquelles les parents sont fortement impliqués, ont été expérimentées dans plusieurs académies. Les parents, aussi, ont été mieux associés à la scolarité de leurs enfants avec La mallette des parents, un dispositif qui propose des outils pratiques pour aider les équipes éducatives dans l’organisation de débats avec les parents sur des thématiques liées à la scolarité de leur enfant. Le site mallettedesparents.onisep.fr a été mis en ligne en septembre.

Parmi les autres outils de prévention, figure aussi la Semaine de la persévérance scolaire. Une opération qui met en lumière, dans chaque académie, ce qui est réalisé de positif pendant l’année et qui produit des résultats en termes « d’accrochage scolaire ». Enfin, l’accompagnement dans l’orientation scolaire et professionnelle s’améliore grâce au parcours Avenir, proposé à chaque élève de la 6e à la terminale (Lire notre dossier Orientation dans ce numéro).

 

Le droit au retour à la formation

En dépit de ce renforcement de la prévention, trop d’élèves décrochent encore. Ceux-là doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement, au nom du droit au retour à la formation. A cet égard, la campagne d’information Reviens te former a été lancée en mai 2015. Depuis le 3 novembre, l’Onisep prend en charge le site www.reviensteformer.gouv.fr, qui complète les dispositifs existants : la plateforme www.masecondechance.fr et l’application Mon orientation en ligne. De mai 2015 à début novembre 2016, 13 407 demandes ont été transférées à un conseiller à travers le formulaire de rappel du site Reviens te former et 5 586 ont donné lieu à un rendez-vous fixé avec un référent, permettant le retour en formation de 1 226 décrocheurs.

Morine, 19 ans, a décroché après une première année d’apprentissage en coiffure : « L’école me barbait vraiment et j’étais assez pressée d’entrer dans la vie active. Après la 4e, je suis allée à la MFR (Maisons familiales rurales), pour essayer de trouver un employeur rapidement. J’ai effectué pas mal de stages en coiffure en 3e mais je n’ai pas réussi à trouver un patron. Je me suis trouvée sans rien faire, c’était déprimant. J’ai été voir la mission locale. Elle m’a dirigée vers le CIO où j’ai rencontré un conseiller qui m’a lui-même renvoyé vers la MLDS (Mission de lutte contre le décrochage scolaire). Là, j’ai rencontré une dame qui m’a ensuite suivie dans tous mes stages et dans tous mes cours. Avec ma mère, ce sont les deux personnes qui m’ont beaucoup soutenue. Et maintenant, je suis sur le point d’obtenir mon CAP vente alimentaire en chocolaterie, pâtisserie, confiserie. Et je pense même continuer mes études après. »

 

HD-394---decrochage-2Un référent fidèle

Concrètement, comment fonctionne ce dispositif ? Dès qu’il se signale sur le site Reviens te former, le décrocheur est rappelé et peut demander un entretien personnalisé avec un conseiller. Le rendez-vous est généralement obtenu dans un délai de quinze jours. Ce conseiller met alors le décrocheur en relation avec un référent qui le suivra avant, pendant et après son retour en formation. Avec ce référent, le décrocheur dresse un bilan de ce qu’il a acquis à l’école et aussi en dehors, afin d’adapter son futur emploi du temps sans qu’il ait à revoir des choses déjà connues. Ensuite, le décrocheur et son référent établissent un projet professionnel personnalisé. Lorsque ce dernier est bien défini, le décrocheur est alors dirigé vers un établissement dans lequel il pourra soit commencer sa formation, soit se remettre à niveau. Le lien n’est jamais rompu avec le référent, qui soutient le décrocheur pendant toute la période de formation. Au terme de celle-ci, le référent reçoit à nouveau le décrocheur pour dresser un bilan et, éventuellement, l’aider à réussir son insertion professionnelle.

 

Quelles structures pour un retour en formation ?

L’Education nationale offre les structures de retour à l’école (SRE). Elles permettent la reprise d’études en lycée pour un public d’élèves décrocheurs de plus d’un an. Elles concernent un public volontaire et visent la réussite au bac général, technologique ou professionnel avec un taux de réussite moyen de 80 % des élèves présents sur les trois dernières années et une poursuite des études supérieures pour la grande majorité d’entre eux.

D’autres structures sont proposées par des partenaires. Ainsi des Ecoles de la deuxième chance (E2c) qui fournissent une offre spécifique avec des parcours de 6 mois pour une remise à niveau en fin de collège et une intégration à la fois sociale et professionnelle grâce à des périodes de stages en entreprise.

Autre choix : l’établissement public d’insertion dans l’emploi (Epide). Celui-ci accueille des décrocheurs sans qualification ni diplôme et leur propose des sessions d’une durée moyenne de 8 mois en internat, où la resocialisation est l’objectif principal.

Enfin, il existe le service militaire adapté (SMA) et le service militaire volontaire (SMV). Relevant du ministère des Outre-mer, le SMA est un dispositif militaire d’insertion socioprofessionnelle des jeunes ultramarins, de 18 à 25 ans, éloignés du marché de l’emploi. Le SMV, lui, s’inspire de cette initiative et sera expérimenté jusqu’à l’automne 2017. Il s’agit de proposer aux jeunes un parcours d’insertion vers l’emploi, de 6 à 12 mois, avec une compensation financière à hauteur de 313 euros par mois, au sein d’unités militaires spécifiques.

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ETAT DES LIEUX

Chiffres-clés du décrochage scolaire en 2016

98 000 décrocheurs scolaires

9,3 % des jeunes de 18 à 24 ans sortent du système scolaire sans diplôme

50 millions d’euros par an consacrés à la lutte contre le décrochage scolaire, dont 10 millions par l’Education nationale

39 micro-lycées (contre 12 en 2012)

12 500 bourses de 1000 euros sur les critères sociaux pour les jeunes raccrocheurs âgés de 16 à 18 ans inscrits dans un parcours de retour en formation

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itw394--O.-Brunel-(décrochaPOINT DE VUE

« Le dispositif Reviens te former n’est qu’un élément du puzzle. Dans notre académie, 200 jeunes y ont eu recours lors de l’année scolaire 2015-2016. Ceci reste un flux modeste qui s’ajoute à d’autres flux. De plus, peu de jeunes qui nous ont contactés par ce biais étaient intéressés par un retour en formation initiale. Ils se trouvaient davantage en recherche d’emploi ou d’aide pour améliorer leurs conditions de vie. Au total, une vingtaine d’entre eux seulement se sont redirigés vers la formation. Reviens te former n’est donc pas le sésame absolu. Le système interministériel d’échange d’informations (SIEI), lui, nous permet de repérer les présumés décrocheurs et de les interroger les uns après les autres.

En 2015-2016, nous avons recensé 1713 jeunes en décrochage dans l’académie. 1060 sont retournés en formation et la moitié d’entre eux en apprentissage. Dans le retour à la formation par les décrocheurs, c’est la formation professionnelle qui est la plus demandée, que ce soit sous statut scolaire ou sous statut d’apprenti. »

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TEMOIGNAGE

Alan, 16 ans, prépare un CAP peintre-applicateur de revêtements

« L’école ne me plaisait pas, je n’arrivais pas à tenir une journée sur ma chaise. Quand je me faisais virer du collège, mes parents ne me disaient rien. Les autres enfants se faisaient engueuler, pas moi… Alors, quand j’étais renvoyé du collège, j’étais content. J’étais chez moi, en vacances. Si bien qu’au bout d’un moment, la CPE ne voulait même plus me virer… Je suis allée en classe-relais. Elle m’a permis de faire un CAP. Je n’aurais pas cherché par moi-même. La classe-relais m’a permis de faire des stages, de tester le domaine dans lequel je voulais être, et je suis content maintenant qu’elle ait été là pour moi.

Au début, je voulais devenir éducateur sportif mais il fallait avoir le bac. Je n’avais pas un assez bon niveau scolaire pour cela. J’ai donc choisi quelque chose de plus abordable pour moi, et que j’aime : la peinture. Je me dis qu’il faut que je travaille, j’essaie de m’accrocher au maximum… Avant, je n’avais pas de but. Maintenant, mon but c’est d’obtenir le CAP. »

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