DOSSIER

DOSSIER : Le sport à l’école

illus_cmjn_VdP_388«Valoriser les pratiques sportives à l’école et à l’université », le sport comme outil pédagogique permettant « de contribuer aux différents domaines de formation » et « de renforcer les liens entre les établissements d’enseignement et leur environnement ». Voici les objectifs de « l’année du sport de l’école à l’université », lancée par Najat Vallaud-Belkacem le 18 mai dernier (voir vidéo plus bas).

Si le sport jouit d’une place relativement importante à l’école, notamment au regard du nombre d’heures d’enseignement, les limites de la formation des enseignants et le manque d’installations dans beaucoup d’établissements ne permettent pas toujours aux élèves de profiter pleinement de ses vertus.

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Juvénal, poète latin des Ier et IIe siècles, est peut-être celui qui a, bien avant l’heure, le mieux défini l’Education physique et sportive (EPS). L’auteur de la fameuse maxime « Un esprit sain dans un corps sain » avait en effet parfaitement résumé l’objectif du sport à l’école. Le 16 septembre dernier, lors de la 6e édition de la Journée nationale du sport scolaire, la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a en quelque sorte développé cette idée : « Le sport est porteur de nombreux bienfaits, pour la santé, le bien-être mais aussi pour l’apprentissage de la sociabilité et le respect des valeurs républicaines. »

Au sein de l’école française, le sport garde une place importante : au moins trois heures d’enseignement hebdomadaire, du CP à la 3e. En outre, l’EPS est l’une des trois disciplines obligatoires, avec le français et les mathématiques, lors du concours de recrutement de professeurs des écoles. « L’EPS permet aux enfants de développer d’autres capacités que les autres matières, explique Elodie Vieugué, professeure des écoles à Bourges. Elle est unique et indispensable au niveau du développement personnel, de la motricité, du langage, des valeurs culturelles… » « C’est la seule discipline qui travaille le corps, ajoute Claire Pontais, secrétaire générale adjointe du SNEP-FSU, principal syndicat d’enseignants d’EPS. On apprend par le corps et de son corps, à acquérir des techniques, à se connaître, à partager avec les autres, à acquérir une liberté de mouvement et à prendre des habitudes de pratiques régulières pour s’insérer au mieux dans la société. »

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HD-388-sport-4-orediaDes activités qui varient selon le moment de la scolarité

Les programmes d’EPS donnent alors un cadre pour amener tous les élèves à acquérir ces compétences. Celui-ci correspond davantage à des domaines qu’à des activités précises. « Actuellement, le programme reconnaît huit champs d’apprentissage : performance, activité artistique, de pleine nature, etc., explique Sylvie Guy, responsable du master MEEF (Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) EPS 2nd degré à l’ESPE (Ecole supérieur du professorat et de l’éducation) de Lyon. L’idée est que les élèves aient un échantillon relativement large des activités qui se pratiquent dans notre société. Mais chaque enseignant a la liberté dans les choix des activités : par exemple, pour celles de pleine nature, l’enseignant peut choisir l’escalade ou la course d’orientation. »

Les activités varient également selon le moment de la scolarité. En maternelle, l’EPS insiste sur les manières de se déplacer, sur les jeux puis, plus l’élève grandit, plus les notions de pratique sportive et de performance sont introduites. L’évaluation évolue également selon les classes d’âge. « En primaire, il n’y a quasiment que l’auto-évaluation, explique Claire Pontais. L’important, en EPS, est que l’élève sache s’il progresse et ce qu’il doit faire pour s’améliorer. Au collège, l’enseignant évalue à la fois la performance sportive, la place de l’élève dans le groupe et s’il dépasse le stade du jeu. »

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HD-388-sport-1Cinq compétences à acquérir

Le futur programme d’EPS, présenté le 18 septembre dernier par le Conseil supérieur des programmes (CSP) et qui entrera en vigueur à la rentrée 2016, conserve la même philosophie. Il renvoie à l’acquisition de cinq compétences : développer sa motricité et apprendre à s’exprimer en utilisant son corps ; s’approprier par la pratique physique et sportive des méthodes et des outils ; partager des règles, assumer des rôles et des responsabilités ; apprendre à entretenir sa santé par une activité physique régulière ; s’approprier une culture physique sportive et artistique. « Le programme devait mettre en lien les trois dimensions de l’EPS : la motricité, la culture sportive et la santé », précise Eric Favey, qui a piloté le groupe du CSP en charge de l’élaboration du programme d’EPS.

Durant les neuf années de scolarité, les cinq compétences vont être travaillées à travers quatre champs d’apprentissage et non plus huit comme précédemment : produire une performance optimale ; adapter ses déplacements à des environnements variés ; s’exprimer devant les autres par une prestation artistique et/ou acrobatique ; conduire et maîtriser un affrontement collectif ou interindividuel.

Le programme donne davantage de liberté aux enseignants dans le choix des activités. « Avant, on disait que les programmes étaient trop contraignants mais là, on est tombé dans l’excès inverse, soupire Claire Pontais. Il n’y a plus d’indications et seuls ces quatre groupes sont obligatoires durant un cycle. Autrement dit, un élève pourra, si personne n’y fait attention, ne jamais faire certaines activités. » « La nouveauté de ces programmes est qu’ils ne cherchent pas à dire ce que les enseignants doivent enseigner mais ce que les élèves doivent avoir acquis et compris », répond Eric Favey. Le texte prévoit que chaque académie puis chaque établissement réfléchisse aux activités à proposer et aux objectifs à atteindre en fonction des élèves et des installations dont ils disposent, dans le but d’éviter des prescriptions impossibles à réaliser. « On ne peut pas dire : « Vous devez faire du rugby », si l’enseignant ne dispose pas d’un stade de rugby… », justifie Eric Favey. Car le manque d’installations est un problème récurrent, pouvant limiter les enseignements d’EPS.

Au moment où l’on célèbre l’année du sport à l’école, certains en profitent pour lancer un appel : « Il faut que cette année amène une prise de conscience politique sur les apports de l’EPS, revendique Gérard Géron, formateur EPS en MEEF 1er degré à l’ESPE de Marseille. Par exemple, un décret vient d’établir qu’il faut que tous les enfants sachent nager en 6e. Or, on diminue les moyens aux collectivités qui sont alors obligées de fermer des piscines… »

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HD-388-sports-2Des situations inquiétantes

Autre frein à la pratique de l’EPS, le manque de formation pratique des enseignants. Dans le secondaire, les futurs enseignants d’EPS font d’abord une licence STAPS puis le master MEEF. « En M1, on prépare le concours et en M2, on revient sur nos expériences car nous sommes à mi-temps enseignants, explique Lamia Haoues, en M2 à l’ESPE de Lyon. Or, avant d’enseigner, si j’ai certes fait plusieurs stages, ils relevaient surtout de l’observation… » Pour le premier degré, la situation paraît plus inquiétante encore. « En une quinzaine d’années, on est passé en M1 de 120 heures de formation EPS par an à 42 heures, déplore Gérard Géron. En deuxième année, on a, par an, 12 heures de cours d’EPS… Beaucoup se rendent compte seulement devant les élèves de la complexité de faire cours d’EPS, de tenir sa classe… On les jette dans l’eau bouillante. » Alors, parfois, les écoles font appel à des intervenants extérieurs, mais cela a un coût. Conséquence : « Certains nous disent : « Moi, j’ai arrêté de faire cours d’EPS… », raconte Gérard Géron. Lorsque l’on n’est pas préparé, ça crée une grosse pagaille dans les cours qui suivent et les professeurs ne peuvent plus faire maths ou français… Et, dans l’esprit des gens, des parents, le sport n’est pas prioritaire et la pression est telle sur l’acquis des fondamentaux qu’il est parfois laissé de côté. »

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« Vivre ensemble »

Pourtant, la pratique de l’EPS n’est pas forcément contradictoire avec l’acquisition des fondamentaux. « Les élèves travaillent les maths en calculant les distances et le temps, l’histoire des arts avec le cirque, le français et l’oral puisque les programmes insistent sur la verbalisation de ce que les élèves font en EPS, les SVT avec les réactions du corps à l’effort… », relève Elodie Vieugué. « Cela donne du sens, note Lamia Haoues, et montre aux élèves que l’EPS n’est pas un temps de récréation mais qu’ils sont là pour apprendre. » Pour apprendre, et pour « vivre ensemble », notion très présente en EPS.

Les nouveaux programmes indiquent ainsi que « l’EPS a pour finalité de former un citoyen lucide, autonome, physiquement et socialement éduqué, dans le souci du vivre ensemble ». « Le sport est un grand vecteur du « vivre ensemble », assure Elodie Vieugué. On travaille les compétences sociales et morales : arriver à coopérer, respecter les règles, se respecter soi-même, son corps, les autres… » « Apprendre la tolérance, le partage, à jouer ensemble, en mixité, entre forts et faibles, ajoute Claire Pontais. On sait que ce n’est pas spontané et que ça s’apprend. ». Pour un corps sain et un esprit sain, dans une société saine.


Année du Sport de l'Ecole à l'Université 2015-2016 par EducationFrance

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388-sport-PetrynkaINTERVIEW

Laurent Petrynka, directeur national de l’UNSS (Union nationale du sport scolaire)

Qu’est-ce que l’Union nationale du sport scolaire (UNSS) ?

L’UNSS est la fédération sportive de l’Education nationale. Il y a une association sportive (AS) dans chaque collège et lycée de France (c’est une obligation légale), soit dans 9 500 établissements. Ces AS organisent des compétitions dans les sports qu’elles proposent, du niveau district au niveau international. Un des objectifs de l’UNSS est de dynamiser la vie associative dans les établissements scolaires. L’UNSS se base sur le volontariat des élèves car il s’agit d’une activité sportive scolaire sur un temps volontaire. Il y a plus d’un million de jeunes adhérents à l’UNSS, soit environ 25 % des collégiens et 12 % des lycéens. Les activités de l’AS ne sont pas dans les programmes scolaires mais elles sont dans la continuité de l’EPS. Les AS sont encadrées par les enseignants d’EPS à hauteur de trois heures par semaine, au sein de leur temps scolaire obligatoire.

 

Quelle est la philosophie de l’UNSS ?

Les AS accueillent tout le monde : les bons, les moins bons, les petits, les grands… Et c’est la fédération sportive la plus accessible pour les familles : environ vingt euros par an. Notre but est de faire pratiquer le sport et développer aussi un ensemble de compétences plus larges : former un adulte lucide, autonome, qui sait interagir avec autrui, avec un environnement, qui se connaît soi-même…

 

A la rentrée, le prix de la licence UNSS a été divisé par deux dans les établissements d’éducation prioritaire. Pourquoi une telle décision ?

L’UNSS a dans son ADN la notion d’accessibilité. Pour beaucoup de parents, le moment de la rentrée est souvent difficile financièrement. Le choix de faire faire à leur enfant une activité sportive a alors un coût : parfois 150 à 200 euros en club. Cette décision permet de maintenir l’accès au sport au plus grand nombre et plus de sport signifie plus de santé, plus d’intelligence et plus de réussite scolaire. On invite d’ailleurs les parents à davantage s’impliquer dans les AS car dans chaque AS, il y a un poste de « vice-président parents ».

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REPERES

Chiffres-clefs

A l’école

Temps EPS hebdomadaire par classe (sauf cas particulier) :

- CP au CM2 : 3h (108 heures par an).

- 6e : 4h

- 5e, 4e et 3e : 3h

- Lycée : 2 à 3h

A la rentrée 2015 :

- 2 700 000 élèves licenciés dans les fédérations sportives scolaires : 1 050 000 à l’UNSS (secondaire), 850 000 à l’USEP (primaire) et 800 000 à l’UGSEL (enseignement privé catholique)

 

Hors de  l’école

- 45 % des détenteurs de licences sportives ont moins de 20 ans.

- 26 % des licences des fédérations unisports olympiques concernent des jeunes âgés de 10 à 14 ans. Certaines de ces fédérations ont plus de 70 % de licenciés de moins de 20 ans : équitation, sports de glace, gymnastique, handball, judo.

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ZOOM

Sections sportives scolaires

Les sections sportives scolaires sont les anciennes sections sport-études. En 2012, elles étaient plus de 3 000 en France, pour environ 60 000 élèves et une centaine d’activités proposées. Ces sections, présentes uniquement dans le secondaire, accueillent des élèves souhaitant accéder à une pratique approfondie de la discipline sportive tout en suivant une scolarité classique. Le temps consacré à l’entraînement sportif est au minimum de trois heures hebdomadaires, en plus des cours d’EPS. Ces sections sont ouvertes à la demande du chef d’établissement, soumise à la décision du recteur. Le fonctionnement est assuré par un enseignant d’EPS ou un membre de l’équipe éducative.

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388-sport-MillionTEMOIGNAGE

Cindy Million, enseignante d’EPS dans un collège à Villeparisis (Seine-et-Marne)

« En EPS, il s’agit de développer des compétences motrices, méthodologiques (arriver à un but, définir un projet) et sociales (respecter la parole de l’autre, accepter l’autre malgré ses différences, trouver sa place dans un groupe). Par exemple, l’élève en difficulté et de taille assez grande peut éventuellement trouver sa place en tant que pivot dans l’équipe de basket et donner du sens à sa pratique. Le sport fédère, amène de l’émulation collective. Dans mon collège, les élèves de 6e sont très demandeurs d’activités physiques. Du coup, on privilégie des sports à forte dépense d’énergie. Les activités évoluent en fonction du moment de la scolarité et des élèves. En 5e-4e, les élèves ont une méconnaissance de leur corps, et il s’agit de surpasser cela. Les programmes de 2008 étaient très précis dans les attentes. Les nouveaux laissent plus de liberté, même si rien n’empêche les enseignants de s’appuyer sur des fiches plus précises. Cela va nécessiter de créer un vrai travail d’équipe, pour cadrer les besoins des élèves et ne pas qu’ils aient toujours la même activité. Mais il faut croire en la conscience professionnelle des enseignants. »

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INTERVIEW

Cécile, étudiante en M2 MEEF 1er degré à l’ESPE de Marseille

Quelle formation recevez-vous au niveau de l’EPS ?

Le M1 (première année de master) est consacré à la préparation du concours, avec des cours sur l’organisation des activités, dans des situations que l’on imagine. Le problème est qu’on se base sur le fait que l’on a des élèves attentifs, tout le matériel nécessaire, alors que c’est rarement le cas en vrai… En M2, c’est plus concret puisque l’on part de nos expériences de stages (les M2 sont à mi-temps en cours à l’ESPE, à mi-temps enseignant en classe), on évoque nos difficultés et on essaie d’y apporter des réponses.

 

La formation est-elle alors suffisante en EPS ?

On ne nous confronte pas aux problématiques de terrain. Mais c’est logique, car l’on prépare le concours qui est théorique. Là, par exemple, dès que je sors les élèves de la classe pour faire EPS, c’est très compliqué. En M1, on peut voir comment faire une activité rugby, sauf que quand je mets en place cette activité avec mes CM2, ils partent dans tous les sens en courant… De plus, on est assez isolé : on n’a que deux visites de nos deux tuteurs par an.

 

N’êtes-vous alors pas tentée de mettre de côté l’EPS ?

Je me fais violence pour faire EPS car je sais que c’est important et, pourtant, j’ai des conditions privilégiées avec un terrain de sport attenant à l’école, du matériel… Certains de mes camarades se retrouvent avec seulement la cour de l’école et des arbres partout au milieu. Comment faire un sport collectif avec ces conditions ? Je peux comprendre les enseignants qui décident de ne plus faire d’EPS. Mais si on enlève l’EPS, on enlève une part de la richesse de l’école, de sa diversité.

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Patrick_KANNER-credi#926244GRAND TEMOIN

Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports

Que signifie le fait que cette année soit placée sous le signe du sport à l’école ?

La signature de cette convention est le fruit de l’objectif commun que nous avons avec Najat Vallaud-Belkacem de favoriser la pratique sportive à l’école, qui est un plus pour la communauté éducative. Le sport à l’école enseigne la culture des règles, l’esprit de compétition, l’émancipation et c’est le moyen de sensibiliser les jeunes à la pratique sportive en club ou en association. Et si on veut que les jeunes s’y intéressent, il faut les faire pratiquer. Il y a certes, parmi les 17 millions de licenciés en France, environ un sur deux qui a vingt ans ou moins, alors que cette tranche d’âge ne correspond qu’à 25 % de la population.

De plus, il y a 2,7 millions de jeunes licenciés dans l’environnement scolaire, à travers les trois associations. Mais nous avons une interrogation : pourquoi beaucoup de jeunes sont licenciés entre 7 et 13 ans et disparaissent des clubs à partir de 14 ans, et, qui plus est, pourquoi ce sont souvent des filles de quartiers populaires ?

 

Avez-vous trouvé la réponse et comment remédier à cela ?

C’est un véritable sujet de société. Quand une fille atteint l’âge de devenir une femme, elle se dit que, pour plusieurs raisons, et pas uniquement confessionnelles comme on peut parfois l’entendre, elle n’a plus tout à fait sa place dans les clubs. Or, le sport est un élément essentiel d’émancipation dans ces quartiers. Une des réponses apportées a été la division par deux du prix de la licence UNSS dans les établissements prioritaires, car le prix peut être un frein.

Lorsque j’étais président du conseil général du Nord, j’avais mis en place le « Pass’Sport 59 » : tous les enfants qui entraient en 6e se voyaient, à hauteur de 50 euros, prendre en charge une partie de leur licence sportive, et ce sans critère de ressources. Avec Najat Vallaud-Belkacem, on n’accepte pas que l’argent soit un frein à l’entrée dans un club, car la pratique en club structure les jeunes. Je crois aux valeurs républicaines du sport. On a d’ailleurs mis en place le « Plan citoyen du sport » (lire en encadré) qui est inscrit dans le budget 2016 pour environ 12 millions d’euros. De plus, les nouveaux rythmes éducatifs vont créer des besoins en pratique sportive, et des emplois d’éducateurs sportifs. C’est une véritable politique volontariste autour du sport.

 

Pourtant, il manque beaucoup, notamment dans les petites villes rurales, d’installations sportives et, alors que l’Etat insiste sur la nécessité pour les jeunes de savoir nager, il diminue ses subventions aux communes, qui gèrent les piscines. N’est-ce pas contradictoire avec cette « politique volontariste » ?

Je connais cet argument. Les collectivités territoriales doivent participer à l’effort global de réduction des déficits publics. Il faut alors prioriser les politiques publiques. Le 10 octobre dernier, j’ai inauguré la piscine de Clichy-sous-Bois, qui était une ville de 70 000 habitants qui n’avait pas de piscine. C’est le département qui a tout financé. Quand un élu a moins de moyens, il y a des choix à faire, et je crois que privilégier les choix en direction des enfants est essentiel. Mais on ne peut pas forcer les maires à faire ce choix…

On a par ailleurs mis en place un plan de développement des piscines dans les quartiers prioritaires, car on ne peut pas accepter qu’un jeune sur deux ne sache pas nager. Il faut multiplier les équipements, même si, bien sûr, une piscine coûte plus cher qu’un stade ou un terrain de tennis : il faut la chauffer, il y a les maîtres-nageurs, etc. Le « savoir nager » coûte plus que d’apprendre à faire du foot ou du judo. Mais, nager, c’est une liberté, ce n’est pas un luxe. Si un enfant ne sait pas nager, il ne peut pas aller en centre par exemple. C’est une stigmatisation pour les enfants. Je mets le « savoir-nager » presque au même niveau que le « lire, écrire, compter ».

 

En ce moment où le « vivre ensemble » apparaît essentiel, en quoi le sport peut-il participer à l’améliorer ?

Quelles sont les valeurs du sport – je parle là du sport que j’aime, pas de ce qui a pu se passer avec des supporters du sud de la France ou à la FIFA… ? C’est le respect, les règles, le goût de l’effort – car la République, ce n’est pas le laxisme –, l’esprit de compétition, qui est important dans ce pays qui, parfois, se regarde avec un esprit d’auto-flagellation. En sport, que vous soyez blanc, noir, de telle ou telle origine, quand vous gagnez, vous gagnez ensemble. Cela participe à renforcer le socle républicain. Le sport pour les jeunes est un investissement utile, car ce que l’on n’investit pas dans l’éducation, et donc également dans le sport, on le paie plus tard en réparation sociale…

 

Vous évoquez justement les dérapages que le sport peut engendrer : comment enseigner aux jeunes que le sport, ce n’est pas ça ?

Déjà, il faut le dire ! Lorsque j’ai commenté l’affaire des supporters de Marseille avec Mathieu Valbuena (1), je ne me suis pas fait que des amis, mais il est intolérable que des supporters deviennent des vecteurs de haine. Alors, c’est à nous de préparer les jeunes dès le plus jeune âge aux vraies valeurs du sport. C’est un combat permanent. Le sport n’est pas vertueux par nature, il l’est en fonction des gens qui le pratiquent.

Propos recueillis par Erwin Canard

 

Note : Lors du match de football OM-OL, des supporters de Marseille avaient notamment pendu à une potence une marionnette à l’effigie du joueur de Lyon. Patrick Kanner avait qualifié ces évènements d’ « inacceptables » et avait dénoncé les propos du président de l’OM. Le ministre s’était déclaré « écœuré » et avait demandé « des sanctions rapides et fortes, car on ne peut pas laisser cela en l’état. Ce n’est pas une bonne pub, et de tels débordements sont nuisibles pour le sport dans notre pays, ainsi qu’à notre candidature pour les JO 2024. »

 

BIO

Patrick Kanner est né le 29 avril 1957 à Lille (Nord). Il est ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, depuis le 26 août 2014. Il était, jusqu’à son entrée au gouvernement, président du conseil général du Nord, depuis le 31 mars 2011. Il a été auparavant vice-président du conseil général du Nord, de 1998 à 2011, directeur général adjoint de Lille Métropole Communauté Urbaine, de 1993 à 2000 et adjoint au maire de Lille, de 1989 à 2014.

 

 

Le plan « Citoyens du sport »

Annoncé en mars dernier dans le cadre du projet « La République en actes », le plan « Citoyens du sport », d’un budget d’environ 12 millions d’euros, vise en particulier, selon le ministère des Sports, « à développer la pratique du sport dans les quartiers populaires ». Concrètement, ce plan devrait permettre notamment :

- La création de 400 emplois supplémentaires d’éducatrices et éducateurs sportifs dans les quartiers de la politique de la ville

- La formation de 1500 jeunes aux métiers du sport en 3 ans

- La formation de bénévoles et salariés de fédérations aux valeurs citoyennes

- Le développement du programme « J’apprends à nager »

- Le lancement d’une campagne de communication contre toutes les formes de discrimination dans le sport, qu’elles soient basées sur l’origine, le sexe, l’orientation sexuelle ou le handicap.

 

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