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MAGAZINE – L’aîné : une place à part dans la fratrie

C’est lui qui fonde la famille, lui qui a pour charge de montrer l’exemple à ses cadets… L’aîné est probablement l’enfant à qui les parents demandent le plus. Raison supplémentaire pour le ménager quand la pression se fait trop forte.

« Je ne comprends pas comment des enfants que j’ai élevés de la même façon peuvent être aussi différents … » Cette phrase, quels sont les parents qui ne l’ont pas prononcée… Et pourtant, en réalité, aînés et cadets sont bien souvent élevés différemment selon leur rang dans la fratrie. D’ailleurs, bien des cadets ne peuvent s’empêcher de penser que leurs aînés ont eu plus de chance : plus âgés, ces derniers jouiraient de privilèges tels que le droit de se coucher plus tard, de sortir seuls. L’aîné, lui, se souvient plutôt des servitudes inhérentes à sa place : supporter ses cadets, ces intrus qui ont bouleversé son équilibre.
Le rang de naissance joue également sur le caractère et le développement des enfants. Un sujet étudié depuis longtemps puisque Alfred Adler, disciple de Freud, s’était déjà intéressé à l’influence du rang de naissance sur le devenir des frères et sœurs au début du XXe siècle. Selon ses observations « Contrairement à l’opinion commune, les enfants d’une même fratrie ne peuvent recevoir la même éducation car leur position leur est propre. »

Des droits et des devoirs spécifiques
Aujourd’hui le pédiatre Marc Sznajder confirme que le rang de naissance détermine en partie les caractères. « L’aîné a très souvent un comportement conformiste raisonnable, plutôt introverti, plus complexe, plus tourmenté ce qui ne l’empêchera pas de réussir. Il aura un caractère responsable, consciencieux et va apprendre le partage et « tutorer » les plus jeunes. ».
Autant de traits de caractère qui ne sont pas le fruit du hasard. D’abord parce que l’aîné en naissant fait de ses géniteurs des parents, eux qui étaient auparavant un couple. Finalement, c’est lui le fondateur de la famille et par conséquent, des droits et des devoirs lui sont attribués inconsciemment. Les regards parentaux sont concentrés sur lui, dans l’attente de la première dent, du premier pas. En réalité, expliquent les spécialistes, l’anxiété s’abat sur les parents avec cet enfant. « Les études disent aussi que les aînés sont plus stimulés, valorisés que les suivants », précise la psychologue Françoise Peille, auteur de « Frères et sœurs, chacun cherche sa place » (éd. Hachette).

Différences de traitement
« L’aîné de quatre enfants sera différent de l’aîné de deux car les parents lui feront plus volontiers jouer le rôle d’aîné. Plus les enfants seront nombreux, plus la position sera caricaturale », estime Françoise Peille. Et d’ajouter que « les aînées filles souffriront davantage de ce rang car on leur demandera plus tandis que le garçon sera plutôt valorisé ».
Pour les parents, il convient donc de prendre en compte les difficultés relatives à cette première place. Installé trop tôt en position de gardien de ses cadets, l’aîné risque de se croire plus responsable qu’il ne l’est. « Mes parents m’ont clairement instrumentalisée pour que je m’occupe de ma petite sœur et m’ont volé ainsi une partie de ma jeunesse », explique Alexandra, une trentenaire qui n’a pas encore digéré ces exigences.
« L’aîné a plus de responsabilités que les autres et le poids de l’exemple peut être lourd à porter », assure Marc Snazjder. « Il est évident que j’ai ouvert des portes à ma petite sœur et j’ai vécu comme une injustice certains de ses droits acquis. J’ai évidemment remarqué une différence de traitement entre nous deux », se souvient Marie-Paule, grande sœur responsable. « Encore aujourd’hui, je me sens responsable de ma sœur en tant qu’aînée ».

Une jalousie normale
« Etre l’aîné c’est être responsable des autres, on lui demande souvent de céder aux petits. Il faut poser des règles claires qui sont les mêmes pour tous et ne pas en demander plus à l’aîné. Les parents ont une vision romantique de la fraternité alors que la rivalité est naturelle et que les disputes sont saines pour apprendre la vie en société » analyse pour sa part Rebecca Duvillié, docteur en psychologie au centre Pluralis (Paris) et ex-psychologue scolaire.
Effectivement, alors que les parents devraient apaiser les relations entre enfants, en demandant plus à l’aîné, ils auront tendance à exacerber ces relations, d’abord vis-à-vis du cadet, à qui on demande implicitement d’obéir à son aîné et ensuite au grand qui doit se montrer responsable du (des) cadet (s) et qui aura tendance à en devenir jaloux.
« Le grand ressentira une jalousie normale qui participe à la construction de l’image que l’on a de soi. Cette jalousie doit être entendue et surtout pas niée ou condamnée. Il faut faire en sorte que l’aîné continue à vivre comme un enfant de son âge. Parce qu’il est devenu le plus grand, on lui demande de penser en « grand ». C’est dur à trois ou quatre ans ! Autorisez-le à rester petit… », conseille le pédopsychiatre Marcel Ruffo.
« Il faut favoriser la discussion, laisser l’aîné mettre des mots, discuter en tête à tête, écouter ce qu’il a à dire et lui laisser le droit de réponse », recommande Rebecca Duvillié… « Et puis, à l’adolescence, les choses s’arrangent, la rivalité est moins forte, la famille moins prégnante, on se tourne vers l’extérieur, on s’autonomise, on prend de la distance et les rapports ont tendance à s’améliorer», conclut la psychologue.
MG

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CONSEILS
Comment préparer l’arrivée du second ?

Pour l’enfant, l’arrivée d’un second est toujours vécue comme une véritable intrusion. C’est pourquoi il est indispensable de préparer l’aîné(e) à ce bouleversement. Il doit être rassuré sur l’amour que lui portent ses parents, même s’il aura toujours du mal à admettre qu’il sera aimé comme avant, quand il était tout seul. Le sentiment de l’aîné peut être ambivalent : quand le cadet paraît, il sera jaloux et, en même temps, sera heureux de trouver un nouveau compagnon de jeu. Enfin, sachez qu’une relation difficile à la naissance ne présage en rien des relations futures. Il faut comprendre sa souffrance et ne pas la souligner, s’attendre à des attitudes régressives de la part du premier et les accepter…

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POINT DE VUE
Dr Marc Sznajder, auteur de « Les aînés et les cadets » (éd. Odile Jacob)

« L’aîné a besoin d’être souvent rassuré. Pour cela, il est important de passer du temps en tête à tête, de pratiquer des activités avec lui et en parallèle de le laisser vivre sa vie, ne pas l’accabler d’obligations. Attention à ne pas le « parentaliser » et le lâcher avec son devoir d’exemplarité. »

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